Histoire
 

La vie dans la Lande d'autrefois

A un milieu difficile répondait une civilisation rurale qui lui était adaptée. L'ancienne lande était, dans son aspect le plus classique, partagée entre des communautés composées de " quartiers ". Ceux-ci étaient disposés aux approches d'une vallée, dans un secteur naturellement drainé. Chaque quartier associait plusieurs airiaux.

L'écomusée de la Grande Lande, à Marquèze, nous donne bien l'image de l'airial, centre de vie d'une collectivité familiale : la maison, au grand auvent paré d'une treille et à la puissante charpente, est campée au milieu d'une pelouse ombragée de chênes où sont disposés l'étable, le parc à brebis, la grange, le hangar aux charrettes, le poulailler perché, le four à pain, le puits à balancier.
Autour, dans un encadrement de forêt, les champs céréaliers, les prés, le potager, une parcelle bien fumée pour le lin ou le chanvre, quelques rangs de vigne, des ruches.
Les champs étaient cultivés en culture continue et, en raison de l'humidité du sol, sur billons : la céréale d'hiver, le seigle, poussait sur les billons ; la céréale d'été, millet ou maïs, était semée en avril dans les sillons, avant la récolte du seigle.

Cette culture sans jachère demandait l'apport d'une grande quantité de fumier. Ainsi, une culture intensive, d'un rendement d'ailleurs assez médiocre, était associée à un élevage extensif, auquel s'ouvrait, du printemps à l'automne, l'immense territoire, semé de parcs, de la haute lande.

 

Les bergers y menaient une vie frugale et solitaire : vêtus de peaux de mouton, haussés d'un mètre sur leur échasses - dont l'usage n'est pas antérieur au XVIIIe siècle - ils surveillaient de loin leurs bêtes avec un chien pour seul compagnon.

Outre le fumier, litière d'ajoncs et de bruyères accumulée dans les parcs où les moutons étaient rassemblés la nuit, le troupeau fournissait de la laine dont on faisait de grosses étoffes, et des agneaux, mais pas de fromage.

Dans la Grande Lande, les bergers landais rencontraient les bergers béarnais d'Aspe et d'Ossau à qui des terrains de pacage étaient concédés.

Les moutons, ainsi que des bovins et des chevaux, trouvaient à pacager dans les lettes (ou lèdes), dépressions entre les dunes côtières.

Les chèvres n'étaient pas absentes des landes mais les dommages qu'elles portaient aux arbres leur firent préférer les moutons.

Aux ressources des champs et des parcours s'ajoutaient celles tirées de la forêt et du sous-sol.

Les forêts de pins, associées aux versants de vallée et aux dunes anciennes, étaient exploitées pour la résine.

Le résinier - ou gemmeur - pratiquait sur l'arbre, une incision - la care - qu'il avivait tous les cinq à six jours ; la résine ainsi récoltée était traitée dans des ateliers et servait notamment à la fabrication des torches et au calfatage des bateaux.

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Dès le XVIIIe siècle on sut, par distillation séparer dans la résine l'essence de térébenthine des matières solides. Chaque atelier employait un petit nombre d'ouvriers attachés à un "fabricant".

Les Landes eurent aussi aux XVIIIe et XIXe siècles leurs forges nées, sur les petits cours d'eau landais, de l'exploitation de la "pierre de lande" ou garluche, grès ferrugineux d'une faible teneur en fer aggloméré en bancs discontinus dans le sous-sol, et extraites de trous peu profonds creusés dans le sable ; il y eut au XIXe siècle une vingtaine de forges, chacune d'elles occupant 200 à 300 personnes. Les produits des ateliers de résine et des forges étaient acheminés par charroi ou flottage vers Bordeaux et Bayonne.

Sur cette terre ingrate et peu peuplée, la féodalité n'eut qu'une faible emprise.
A côté d'une vieille noblesse qui avait ses tenanciers mais qui ne percevaient que de très faibles redevances sur les terrains de parcours, monta lentement du monde de la terre une bourgeoisie rurale, homme de loi, médecins, marchands, industriels de la meunerie, de la résine, de la forge. Dans la classe paysanne se détachent les laboureurs, relativement aisés; mais la plupart des cultivateurs sont des métayers, surtout nombreux dans le département des Landes et dans les Landes du Bazadais : leurs conditions de vie sont généralement médiocres, le brassier étant au bas de l'échelle.

En marge des familles paysannes plus ou moins stabilisées sur leurs terres et dont un des membres se spécialisait dans le gemmage ou la garde de troupeau, existait toute une population mouvante d'ouvriers agricoles, de résiniers, de bergers, d'ouvriers des forges prêts à louer leurs bras.

Avant l'assainissement du pays et les grands boisements, la condition humaine était dure pour les petites gens. Au moins dans les régions les plus déshéritées, la malnutrition prédisposait les Landais au rachitisme et à la pellagre, maladie qui s'accompagnait d'inflammations de la peau et s'attaquait au système nerveux ; le paludisme régnait en certains lieux à l'état endémique.

Des bergers perchés sur leurs échasses, êtres faméliques, au teint hâve et décoloré, au "parler barbare" - le gascon - perdus dans l'immensité d'un morne paysage : c'est l'image des Landais que nous donnent, aux XVIIIe et XIXe siècles, beaucoup de récits de voyageurs.

Cependant, ceux qui cherchèrent le contact des gens ont loué chez les Landais leur intelligence, sous des dehors de superstitions, et leur sens de l'hospitalité. Ils aimaient apporter, dans le silence de la lande, dans la joie des fêtes et des grands rassemblements, au milieu de leur désert comme dans l'intimité de leurs foyer, les rythmes de leur musiques jouées sur des instruments rudimentaires et la nostalgie de leurs chants : expressions d'une civilisation aujourd'hui pieusement recueillies.

 

La naissance de la grande forêt.

Dans les premières années du second Empire, les conditions favorables aux grandes entreprises sont réunies. Le milieu naturel landais est mieux connu et des géomètres du cadastre y poursuivent des travaux de nivellement. La première tâche à mener à bien était le drainage de la lande inondée. Il fut conduit selon des méthodes déjà pratiquées par les gens du pays, mais, cette fois, sur une vaste échelle : l'aménagement d'un réseau hiérarchisé de fossés au tracé adapté aux conditions locales de la topographie.

Les terres conquises sur le marécage furent vouées à la forêt, le pin maritime apparut comme une source de profits plus sûre qu'une agriculture qui aurait demandé, sur des sols pauvres, de lourds investissements.

Le pays est, à partir de 1856, tiré de son isolement par la voie ferrée. C'est à cette époque encore que la haute charrette à deux roues remplace la charrette à quatre roues, et qu'aux bœufs succèdent, dans l'attelage, les mules, plus nerveuses.

La production de la résine, dont le prix fut soumis à d'amples fluctuations, oscilla à la fin du siècle dernier entre 90 et 100 millions de litres pour atteindre 130 millions à la veille de la Première Guerre mondiale.

Les produits résineux, essence de térébenthine, colophane et brais, qui se prêtaient à des emplois de plus en plus variés, étaient pour une bonne partie exportés par les ports de Bordeaux et de Bayonne.

L'expansion de la forêt a changé profondément les façons de vivre des Landais. Si les propriétaires des pins, les industriels, les négociants furent les bénéficiaires des temps nouveaux, les petites gens tirèrent quelque profit de la vente des résines et des bois ; de l'argent circule. Les affections endémiques disparaissent.

Survivent l'agriculture traditionnelle et, jusqu'en 1914, un élevage de moutons pratiqué sous forêt. Les travaux d'aménagement, les industries du bois retiennent du monde, tandis que sur la bordure littorale s'esquissent des stations de bains de mer et que le bassin d'Arcachon devient un centre prospère d'ostréiculture. Dans les Landes de Gascogne, le maximum de population ne fut atteint qu'en 1881, et, jusqu'à la Première Guerre mondiale, la régression démographique resta relativement faible.

Référence : Le midi Atlantique par Papy Louis

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